A quoi nos écoles devraient-elles ressembler au XXIème siècle?
Sur ce sujet,la Commission européenne a souhaité recueillir des propositions,des réflexions...auprès des 47 membres!
Vus le nombre de livres,d'articles...de personnes qui se considérent autoriser à parler de ce sujet (et tant mieux!!) ,nous aurions pu imaginer que les contriburions françaises allaient être très nombreuses....link
*Marcel Dumont
ex-animateur du département de mathématiques à l'institut National de recherche et de documentation pédagogique
membre de la Commission Internationale pour l'Etude et l'Amélioration de l'Enseignement des Mathématiques
*Françoise Pasquis-Dumont
Principale CLG très "sensible" durant 16 ans/cf évaluation :"les déterminants de la réussite scolaire en ZEP" INRP
Membre du Centre Alain Savary
Responsable ZEP (7620)
Questions qui sont en rapport avec les propos:
les deux premières contributions ont été élaborées dans le cadre d'un groupe qui travaille sur la thématique de l'Europe: DEMOCRATIE 2000 en Haute-Normandie: elles constituent un apport à un bon nombre de questions posées ici
excusez-nous de ne pas redécouper notre travail d'écriture qui a fait l'objet d'exposés.
Première contribution:
POUR UNE EDUCATION A L'ECHELLE DE L'EUROPE .......ET DE L'HUMANITE
A.- A Propos de Violence et d' Education
Pour chaque problème il faut toujours distinguer les solutions à court terme des solutions à long terme en sachant qu'il n'y a pas de frontière entre les deux , ni de bornes. .
1) Des comportements comme le "fanatisme", l'"intégrisme", l'"intolérance ,entrainant inévitablement la "violence" ,sont tous sous-tendus par un même phénomène: des êtres humains ,convaincus de détenir la Vérité, soit cherchent à imposer leur Vérité à d'autres, soit se croient menacés par d'autres qui cherchent à leur imposer une vérité différente de la leur. . C'est donc la notion même de Vérité qui doit disparaitre.au profit du Doute permanent. Les Scientifiques , à chaque nouvelle découverte, remettent en cause leurs connaissances ; le savoir évolue: une vérité n'évolue pas.. Malheureusement , l'enseignement des sciences, en particulier celui des mathématiques, enseigne trop souvent des certitudes: une "vérité" révélée par les savants d'une autre époque .
2) Lorsque l'intelligence humaine est au maximum de son potentiel, c'est à dire lorsque l'enfant est jeune, son cerveau est vierge; comme une page blanche sur laquelle la moindre perception laisse des traces quasi-indélébiles. C'est un crime contre l'humanité que de vouloir imposer à des êtres sans expérience, une vérité qu'ils ne peuvent pas juger. C'est pour éviter ce viol des consciences que le Code Soleil des futurs instituteurs comportait ,autrefois ,deux mots distincts: laïcité et neutralité.
Le dernier a disparu , sans doute à cause de l'ambiguïté du terme. Pourtant, c'est lui qui véhiculait ce principe: un éducateur ne doit pas violer la conscience des jeunes en leur imposant une vérité quelle qu'elle soit; politique, religieuse, scientifique ou autre. Faute de respecter ce principe, le long terme conduit inévitablement l'humanité aux excès précédents..
3) Une masse d'individus est comme une masse d'animaux, loups ou moutons/ Elle ne réagit que par affectivité,émotion, passion etc, pour le meilleur ou pour le pire. Les mêmes masses qui, en 1789, prenaient la Bastille aux cris de "Vive la Liberté", dix ans plus tard ou presque, criaient "Vive l'Empereur" sans être conscientes de leur changement d'attitude. Autant chaque individu est respectable à cause de son potentiel d'intelligence , autant le même individu risque d'être complètement prisonnier des réactions affectives de la masse. L'Union fait la force, elle ne fait pas nécessairement l'intelligence; c'est là le paradoxe des démocraties ...et d'un enseignement de masse.
4) L'obéissance inconditionnelle est sans doute le pire des vices de l'humanité/ c'est le ravalement de l'être humain au rôle d'une machine: machine à travailler, mais aussi machine à tuer. Ce n'est pas par hasard que les démocraties modernes ont fini, après bien des difficultés, à instaurer dans les institutions les plus disciplinées: l'armée, le statut d'objecteur de conscience. Par contre, dans les domaines où sévit l'esclavagisme mental , l'asservissement aux vérités imposées, nul n'entend parler d'objection de conscience.L'appel à l'intelligence est toujours plus efficace que l'appel à l'obéissance.
Conséquence: "Croire qu'on peut obliger quelqu'un à penser quand il n'en a pas envie" est aussi stupide que "Croire qu'on peut interdire à quelqu'un de penser quand il en a envie" et pourtant tout l'enseignement repose sur ces croyances.
5) La curiosité est sans doute la caractéristique la plus importante d'un être jeune; c'est elle qui nous distingue d'une machine.Faute de l'entretenir et mieux encore de la développer, l'ennui se répand dans les têtes. et l'ennui est la mère de tous les vices. Un objectif majeur est de transformer les systèmes qui se disent "éducatifs " en des lieux de stimulation de la curiosité , d'interrogation permanente et celà dans tous les domaines..
Partir à l'aventure intellectuelle est aussi prodigieux que partir à l'aventure matérielle.
6) Si l'évasion intellectuelle, spirituelle est caractéristique de l'être humain par opposition à une machine qui reste prisonnière de ses programmes, cette évasion repose essentiellement sur des perceptions images, sons, langages oraux ou écrits. c'est à dire sur ce qu'on appelle: imagination . Cette qualité précieuse, doit être non seulement entretenue mais stimulée, car le rêve est l'aliment de la pensée. Le rationnel n'en est que l'antibiotique indispensable ; mais on ne se nourrit pas avec des anti-biotiques.
Tout ceci me parait conditionner le reste.: arrêter la violence est du court terme, nécessité difficile à mettre en oeuvre car elle concerne des gens qui ont des certitudes et sur qui, les appels à l'intelligence ont peu d'effets; prévenir la violence est du long terme car il s'agit d'une éducation à la curiosité, à l'ouverture, à une quête permanente orientée vers le futur.
En résumé , les idées qui nous paraissent fondamentales pour une éducation permanente de l'être humain reposent sur les mots:
Curiosité donc ouverture,
Doute donc relativité donc tolérance,
Imagination donc rêve ,
Rationnel donc cohérence
...sans oublier l'esprit critique , s'exerçant autant vers soi que vers les autres,sans lequel il n'ya pas de démocratie.
ou bien en termes de comportements:
Auto-interrogation,
Auto-formation,
Auto-création ,
Auto-contrôle
B) A propos de Connaissances de Base: Quelques généralités (Question 2)
Nous vivons une époque exceptionnelle où le renouvellement , l'accroissement des connaissances s'accélère de façon prodigieuse par rapport à la lenteur d'évolution des systèmes d'enseignement;
La notion de culture générale est totalement obsolète et, actuellement , nul n'est capable de redéfinir une Culture de Base adaptée à l'environnement contemporain, faute d'une diffusion accessible de ces connaissances.
Les cloisons entre disciplines, élaborées au cours des siècles antérieurs ,voire des millénaires, , ne se justifient plus.
Le terme "discipline" lui-même devrait être remplacé par quelque chose comme champ culturel, domaine de réflexions, de découvertes, de prospection.d'investigation.
Ce travail de réorganisation et de choix est un travail de longue haleine qui s'étalera sur plusieurs générations, mais qui nécessite dès maintenant la mise en place de Commissions à objectifs de court terme et des Instituts à objectifs de long terme ( Institut Universitaire d'Europe à vocation interdisciplinaire -ce dernier terme souligne combien nous avons de difficultés à échapper aux prisons culturelles!)
Mais ce travail nécessite avant tout un effort prodigieux de la part des spécialistes pour rendre accessible à n'importe qui, y compris aux spécialistes d'autres domaines, ce qu'ils considèrent comme essentiel. , c'est à dire avant tout des idées puis les techniques de base. Les Anglo-Saxons possèdent beaucoup mieux que les Français cet art de la vulgarisation scientifique.
Deux événements sont en train de bouleverser nos conceptions et doivent être pris en compte:
1) la communication à grande échelle , temps et espace, via des instruments comme Internet,
2) l'automatisation des tâches répétitives et algorithmiques, matérielles et mentales, grâce à des machines infiniment supérieures à l'être humain dans ces domaines, mais aussi infiniment inférieures car elles restent prisonnières de leurs programmes alors que l'être humain a cette faculté prodigieuse : la possibilité d'échapper aux prisons mentales pour peu qu'il le veuille.
Ces deux remarques remettent en cause objectifs et méthodes des institutions scolaires.Elles devront sous-tendre les réflexions des Commissions précédentes.
. C.- L'Europe des Institutions et le court-terme.
Face à des populations plus ou moins infirmisées,il existe de nombreuses difficultés pour un individu pour penser, pouragir s'il n'a pas subi une formation,
dpourntreprendre s'il n'est pas intégré dans une entreprise. .
Face à des institutions plus ou moins figées dans leurs habitudes, il serait illusoire d'imaginer une transformation par décret, comme un coup de baguette magique.Une lente maturation est nécessaire. Il importe donc , d'une part, de mettre en place les organismes de réflexion à long terme et, d'autre part préparer l'évolution progressive des institutions et des mentalités.
Deux types de besoins paraissent émerger actuellement:
- tendance à l'autonomie de l'individu face à une complexification et des centralisations croissantes des sociétés,
- tendance à la mobilité des individus, des savoirs et savoir-faire.
Il importe donc à court terme de :
- respecter l'autonomie des Etats de l'Union et de leurs systèmes d'éducation, sous réserve d'un accord global sur les finalités,
- harmoniser tout ce qui concerne ce domaine, pour faciliter les déplacements entre ces Etats,
en particulier:
- les savoirs et savoir-faire par tranches d'âge, ( minimum indispensable)
- les outils et méthodes d'évaluation
- les examens et diplômes,
NB:(nécessité de définir les équivalences et passerelles , de donner plus d'importance à la capacité d'adaptation à de nouveaux champs d'études ,de fixer la durée de validité de ces diplômes- la rapidité d'évolution des connaissances rend indispensable une telle mesure- , et de valider les compétences , expériences et savoirs acquis individuellement en dehors des voies officielles).
- les titres fonctionnels dans le cadre d'institutions comparables,
- les catégories de fonctions, enseignants, contrôleurs, évaluateurs, gestionnaires, administrateurs, à tous niveaux (avec éventuellement ,de nouvelles fonctions liées à l'apparition de nouvelles technologies, ou transformation d'anciennes)
- les niveaux eux-mêmes et les catégories d'établissements,
- les transferts de spécialistes ( le mot "chercheur" semble indécent pour une démocratie qui respecte l'intelligence de chacun)
- la formation des personnels ( à ce sujet, il paraitrait important d'inclure une obligation d'exercer cette fonction ou son équivalent , pendant une période à définir , dans un autre Etat, afin d'échapper à la prison des habitudes).
................................................................etc, etc
En ce qui concerne les finalités, il parait essentiel pour toute société démocratique , de veiller :
- à ce que l'éducation soit au centre des préoccupations parentales, scolaires, sociales, incluant droits et devoirs,
- à équilibrer le strict respect des règles de vie , pour autant qu'elles soient respectables , et une liberté de penser permettant l'éclosion du potentiel d'intelligence qui réside dans toutes les têtes,
- à assurer , à la fois , d'une part une éducation de masse incluant l'apprentissage du débat d'idées et du travail d'équipe , et d'autre part , la possibilité pour chacun de développer librement sa curiosité, sa créativité dans la rigueur et la maîtrise du contrôle de soi .
Pratiquement, on pourrait imaginer une Commission Européenne de l'Education, regroupant les Ministres et leurs conseillers pour définir les grandes lignes, finalités et objectifs. et la mise en place de sous-commissions d'harmonisation incluant des acteurs de terrain et laissant la plus grande autonomie possible à chaque Etat quant aux méthodes et moyens, par exemple le recours à des partenaires extérieurs à l'école, familles, spécialistes, laboratoires privés, publics, etc.
Trois remarques nous paraissent importantes , particulièrement pour le système français:
- veiller à la souplesse et à l'adaptabilité des systèmes d'enseignement afin que les acteurs de terrain puissent les adapter aux situations exceptionnelles, individuelles ou collectives, handicapés physiques ou mentaux, ou simplement handicapés par des problèmes de langue, (et à ce sujet , nous sommes presque tous des handicapés). Eviter la caricature:
"Tous doivent faire la même chose, au même endroit, en même temps, de la même façon". Il serait préférable de l'équilibrer par : "A chacun ses motivations, ses méthodes d'apprentissage, ses projets.".
- la revalorisation de l'activité manuelle incluant aussi bien les Arts que les Technologies . Paul Valéry a pu dire au début du siècle passé: "L'intelligence commence par la main ". La ségrégation entre activités manuelles et intellectuelles est une atteinte aux droits des être humains, et une absurdité sociale et physiologique. Et pourtant , notre système, en privilégiant les secondes, ( orientation vers l'enseignement dit général, "Bac + t années","faire des études", etc) , ne fait qu'accroitre le sentiment d'infériorité des premières. Une éducation simultanée, intellectuelle et manuelle, à tous les niveaux, éviterait sans doute bien des vicissitudes et des ségrégations du type "chercheurs et non-chercheurs, intellectuels et non-intellestuels, etc)
- Dans cette période d'explosion des connaissances , il semble indispensable de redonner aux synthèses la même importance qu'aux analyses. Les généralistes sont aussi nécessaires que les spécialistes à la bonne marche d'une société vers une meilleure humanité; des généralistes, vivant au présent au lieu de ne vivre qu'au passé. Ceci exige une recherche permanente des liens et interférences possibles entre tous les domaines actuels.
En ce qui concerne les savoirs, une mesure à court-terme semble réalisable: Tous les savoirs, quels qu'ils soient doivent être replacés dans un contexte européen, sans négliger les apports de civilisations extérieures.
L'esprit de Communauté Européenne ne peut naitre sans une permanence d'ouverture sur le Monde , afin d'éviter l'apparition d'un ultra-nationalisme européen . Mais c'est là un vaste débat qui prendra sans doute plusieurs générations.
Françoise Pasquis-Dumont , Marcel Dumont 27-02-2007
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