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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 17:35

Extrait du discours prononcé par  M. Emile CHARTIER ( ALAIN )
 à la distribution des Prix du Lycée Corneille , Rouen, le 31 Juillet 1902.



.............Oui, les prix de sagesse seront pour les tout petits, et non pour vous. Et ce sera justice. Les enfants sont bien plus près que nous de la sagesse, parce que la sagesse leur est plus facile qu'à nous.

.............C'est qu'il est trop préoccupé du Présent pour penser à Hier ou à Demain.; c'est qu'il pense trop aux choses pour avoir le temps de penser à lui; c'est que des choses nouvelles s'offrent à sa curiosité toujours éveillée. ...-je parle des choses qu'il voit, et non des mots dont on l'importune-- il observe, il contemple, de ses yeux largement ouverts,.....
.Les enfants sont plus sages que nous, puisque moins que nous, ils pensent à eux-mêmes. Heureux aussi les hommes que le culte de la raison et l'amour des idées ramènent à l'enfance !......
.............Vous avez l'âge, à peu près, qu'avait l'humanité au temps d'Archimède; et vous avez médité longtemps sur ces problèmes de géométrie pure, aujourd'hui délaissés souvent par les hommes, mais nouveaux pour vous.  ....Vous avez compris alors que la clarté et l'ordre sont pour l'esprit ce qu'un air vif et pur est pour le corps.......Et telle a été votre première idée de la probité et de la justice.  C'est ainsi que la Mathématique vous a fait faire vos premiers pas, harmonieux et mesurés, dans la voie de la sagesse.

.............Les plus âgés d'entre vous, ont pu aborder, toujours avec la même méthode, les problèmes plus complexes de la Mécanique et même de la Physique.....Et déjà l'intérêt et les passions vous tendaient leurs pièges.
Oui, déjà l'utilité évidente de ces notions et la puissance qu'elle donne à ceux qui les ont seulement retenues, vous empêchaient de les saisir dans leur clarté et leur pureté. Déjà l'amour de la puissance et du succés précipitait et égarait souvent vos recherches.Vos maîtres ont du vous avertir plus d'une fois qu'il ne s'agissait pas pour vous d'être informés, mais de comprendre;
que paraitre savants n'était pas le tout, et qu'il fallait réellement l'être;
que la façon de savoir importe plus que ce que l'on sait;
et qu'il vous fallait chercher, ici encore, bien moins l'approbation des autres que l'approbation de nous-mêmes............

.............Au lieu de penser à l'idée même, vous pensiez à vous; vous pensiez à l'avenir; vous pensiez au succès...........
Oui, vous cultiviez plutôt ,votre mémoire que votre raison. Vous acceptiez de ne pas comprendre pourvu que vous eussiez l'air d'avoir compris.....





............Si vous aviez déjà de la peine à vous élever jusqu'à la science pure dès qu'il s'agissait de pesanteur, de chaleur ou de son, combien eûmes-nous plus de peine encore, lorsqu'il nous fallut traiter ensemble des instincts, des sentiments, des passions, des habitudes, de la volonté, du corps et de l'âme, du bien et du mal, et, en un mot de la Philosophie.Tous ces problèmes touchaient de bien plus près que les autres à vos intérêts et à vos passions.
Comme la tentation était forte ici de s'orienter vers le succès, de prendre les opinions les plus commodes , et de se demander avant toute chose:"Quelle est la réponse qui plaira à l'examinateur?", et plus généralement, "Quelle opinion dois-je avoir si je veux plaire à ceux dont je dépendrai? "........

............En vérité, mes amis,........je plains les éducateurs qui mettraient le succès au-dessus de tout, et qui se préoccuperaient uniquement de vous donner des opinions aventageuses.
ent Nous du moins, vous le savez, nous ne tenons pas boutique du savoir garanti à l'usage; nous ne vendons pas du succès à l'aune; nous ne sommes pas des maîtres dans l'art de parvenir .........
Nous ne vous avons pas appris, non, à demander aux idées qui viennent à vous: "toi, quels avantages m'apportes-tu?" ,

"Et toi,? Combien me feras-tu gagner par an?".......
.
Non, assurément, nous ne vous avons pas appris à réussir toujours. Je dis, au contraire, que nous vous avons appris à ne pas réussir toujours. Oui en vous donnant des idées claires, nous vous avons donné quelque chose qui est un grand obstacle dans la vie, je veux dire une conscience...........

............Le culte de la Raison et des Idées est utile par celà seul qu'il est éminemment propre à fonder l'amitié entre les hommes.
 L'amour de tous les biens matériels divise les hommes et les rend ennemis, parce que nul ne peut jouir de ces biens sans empêcher les autres d'en jouir. Au contraire, les idées sont une source de concorde et de paix, parce qu'une seule idée peut être tout entière à tous...........
............C'est encore la raison, c'est encore l'amour des idées qui unira les hommes, et qui les sauvera de la haine et de la guerre......Le culte de la Raison peut seul donner au hommes la Paix et la Justice.
Les institutions sont peu de choses; elles ne peuvent faire que les hommes soient réellement égaux, justes et libres tant qu'ils ne seront pas justes, égaux et libres en esprit.
Je ne veux pas faire ici le prophète. Nul n'a le droit exclusif de dire ce que sera la République; elle sera ce qu'il plaira au plus grand nombre qu'elle soit; et ceux qui ne la jugent pas à leur goût n'ont qu'une chose à faire, parler, écrire, discuter, et, d'un mot, instruire.Mais je sais bien que, tant que les citoyens seront disposés à croire sur parole les plus forts, les plus riches, les plus éloquents, ou les plus instruits, tant qu'ils seront incapables de réflexion personnelle et de libre critique, c'est en vain que nous incrirons sur nos édifices la sublime devise républicaine.
Au contraire, dans la mesure où chacun de vous affranchit son esprit du poids de la tradition, des menaces de l'autorité ou des caresses sournoises de l'intérêt, chacun fonde en lui et sauve en lui la vraie République.
La sagesse des citoyens, le culte de la Raison, l'amour des idées, tel est le fondement de la République.............
...........Pourtant Archimède, lorsqu'il étudiait les sections coniques, ne cherchait pas du tout la route des navigateurs à venir. Il ne la cherchait pas, mes amis;  et c'est pour celà qu'il l'a trouvée.!!



NDLR: ces extraits ont été choisis par Marcel DUMONT

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