A RENTRÉE fut calme, la sortie quasi explosive : au collège Robespierre de Goussainville
(Val-d'Oise),
fermé symboliquement le temps du week-end par l'inspecteur d'académie (Le Monde du 30 janvier),
c'est un cocktail Molotov, lancé en direction des bâtiments, qui a clos la journée de « reprise » des
cours, lundi 29 janvier. Au collège Louise-Michel de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime),
les personnels, qui avaient suspendu la classe depuis cinq jours, pour dénoncer le « climat d'insécurité »
dans l'établissement, ont décidé de poursuivre leur mouvement jusqu'au 1e février.
Depuis le mois d'octobre 1995, un grondement de lassitude se fait entendre de la part des enseignants
confrontés à des problèmes de violence scolaire. Jets de pierres à Vigneux (Essonne), agression contre
un principal à Pantin (Seine Saint-Denis) ou à Colombes (Hauts-de-Seine), agression contre un enseignant
à Grand-Charmont (Doubs) ou à Bois-Colombes : la liste, modeste, des établissements « à problèmes »,
frôle la litanie.
Le phénomène n'est pas neuf, et les sociologues en ont bien analysé le mécanisme.
Principalement concentrée dans les collèges, en raison de l'âge « difficile » des élèves,
des regroupements par quartiers que la carte scolaire impose et de l'état de vétusté de nombreux
établissements, la violence scolaire s'appuie sur une tension permanente, entretenue par la violence
verbale. Celle-ci est due le plus souvent aux élèves « on va tout niqué » promet un tag à l'entrée du
collège Robespierre de Goussainville , mais elle est parfois relayée par les enseignants, sous une forme
plus policée. « Les enseignants sont capables d'injurier poliment », dit un élève, cité par Bernard Charlot,
enseignant à l'université Paris-VIII et spécialiste des banlieues. Dans ce contexte, un incident éclate qui
met le feu aux poudres : une sanction jugée trop sévère (souvent une exclusion), un geste qui part trop
vite.
En arrière-plan, les adultes des établissements ont à faire face à des phénomènes atteinte aux biens,
racket, trafic de drogue que le Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale
(SCHFPN) jugeait, dans un rapport sur « la violence des mineurs » (Le Monde du 30 décembre 1995),
« en constante augmentation ». Dans ce document, la direction centrale de la sécurité publique recensait,
dans les établissements, 583 faits de cette nature en 1994, contre 480 en 1993, soit une augmentation
de 21,5 %. Le rapport ajoutait que la « loi du silence » incitait des établissements scolaires à omettre
de signaler certains méfaits, des chefs d'établissement ou des enseignants ayant peur de jeter l'opprobre
sur l'école, ou des rackettés craignant des représailles. On pourrait faire valoir tout aussi bien qu'une
dénonciation abondante de délits permet un classement de l'établissement en catégorie « sensible »,
avec les avantages matériels que cela entraîne. Le phénomène reste donc difficile à apprécier.
L'exemple de la Seine-Saint-Denis ne saurait être l'arbre qui cache la forêt.
Depuis deux ans, ce département « piloté » par l'inspecteur d'académie Yves Bottin, membre de la
commission Fauroux, s'est fait une spécialité de la prévention de la violence en milieu scolaire :
« L'axe fort du dispositif », écrit l'inspecteur Bottin, repose sur un partenariat entre inspection académique
et parquet, qui permet aux chefs d'établissement de signaler rapidement les faits à un substitut de
permanence, au parquet de traiter « en temps réel » des affaires dont il a été saisi et ainsi d'informer
l'éducation nationale du suivi des affaires. Pour preuve du bon fonctionnement de cette procédure,
M. Bottin constate « une forte augmentation des signalements » des faits délictueux.
« ILLETTRISME SOCIAL »
A ce volet « tout sécuritaire », il ajoute notamment des « actions éducatives d'appui », destinées à lutter
contre « l'illettrisme social » et « l'anorexie scolaire ». C'est dans ce domaine que l'inspecteur d'académie
se montre le moins satisfait, jugeant que les enseignants « ne sont que peu ou pas préparés à agir,
dans le domaine éducatif, en équipe et au sein d'un partenariat actif ». On ne compte plus les actions
de prévention lancées par cette inspection académique qui ne font apparaître que plus clairement les
carences dénoncées il y a plus d'un an par un rapport de l'inspection générale
(Le Monde daté 14-15 et 16 janvier 1995).
De fait, les rapports ne manquent guère. A ceux de l'inspection générale
(Le Monde du 10 septembre 1994), il faudra bientôt ajouter la somme des travaux lancés par le ministère
de l'éducation nationale et l'Institut des hautes études de la sécurité nationale.
Cette masse d'informations suffira-t-elle pour qu'une véritable politique de la gestion de la violence en
milieu scolaire soit effectivement mise en oeuvre ? Pratiquement aucune des mesures que François Bayrou
avait annoncées en mars dernier (Le Monde du 24 mars 1995) pour lutter contre la violence n'a été
appliquée. Ni la réduction de la taille des établissements sensibles, ni l'institution de postes
de « médiateurs », pas plus que le fonds d'assurance destiné à accélérer l'indemnisation des enseignants
en cas de dommage.
Aujourd'hui encore, via les inspecteurs d'académie ou les recteurs, M. Bayrou se borne à éteindre
les incendies en distribuant des postes et des moyens : ainsi, près de Rouen, le nouveau recteur,
Paul Desneuf, vient-il de promettre que le classement en ZEP du collège Louise-Michel, en grève,
« allait démarrer avant le printemps », confirmant la création de deux postes et demi d'enseignants,
ainsi que l'attribution de deux postes de surveillants vacataires. Une méthode qui a un petit air de déjà vu.
BEATRICE GURREY
Note de Françoise:
qu'en est-il de ce fonds d'assurance?? le médiateur académique existe..
qu'en est-il de l'encadrement des élèves? des postes d'éducation??des possibilités de travail en équipe... si les professeurs peuvent être enclins à travailler en
équipe..
L'illétrisme social...parlons-en en 2008, qui sont les illéttrés?
L'anorexie scolaire....comment avoir faim dans un climat de morosité?? d'angoisses??
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