LA LIBERTE DE PENSER DANS L'ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES (a tous niveaux, pour tout public et spécialement pour les enseignants)
(CIEAEM - 42e Rencontre POLOGNE - 1990) Marcel Dumont Sahurs, France
Commission Internationale pour l'Etude et l'Amélioration de l'Enseignement des Mathématiques
Sommaire:
A) Introduction:
pourquoi ce thème?
essai d'analyse des contraintes.
B) Paradoxes et incohérences du métier d'enseignant:
- appel à l'obéissance, au conformisme,
- les habitudes et les "connaissances de base",
- le métier d'enseignant est-il compatible avec le métier d'éducateur?
C) Vices et vertus des exemples de liberté de penser:
quelques visions naïves:
nombres inaccessibles? le gigacalcul et l'analyse
non-standard,
le temps et la droite numérique,
variabilité sémantique,
traitement de listes...
D) Conclusion:
La curiosité, le doute, l'Interrogation permanentes ne sont-ils pas avec l'ouverture des contextes les clés de la liberté de penser et le meilleur moyen de redonner
à notre planète un visage plus humain?
Introduction
Ce thème est souvent oublié ou négligé dans les thèmes de réflexion sur l'enseignement des mathématiques.
Les événements qui, depuis la rencontre de Szczyrk 1990, bouleversent notre planète, soulignent pourtant l'importance de cette dimension dans tout système d'éducation et dans l'exercice du métier
d'enseignant.
Penser librement c'est d'abord se libérer de la pensée des autres, échapper aux ordres, aux contraintes extérieures, mais c'est aussi et surtout échapper à ses
propres contraintes internes, certitudes, croyances, habitudes.
Il n'est pas toujours facile de prendre conscience des unes et des autres. Par exemple, poser un problème a
d'autres qu'à soi, c'est déjà créer un contexte susceptible d'influer sur leur propre pensée. (Ce n'est pas l'objet de ce texte!) mais influer ce n'est pas ordonner, commander.
Un être humain qui ne fait qu'obéir aveuglément aux ordres, est devenu inconsciemment une machine. On peut programmer une machine pour tuer ou pour sauver la vie, pour répondre à des
questionnaires aussi vastes solent-lls mais toujours limités, pour pratiquer des algorithmes finis, pour accumuler des données, pour poser des questions, prendre des décisions ou donner des
conseils de décision etc. Mais dans tous les cas, la machine reste prisonnière du contexte dans lequel l'homme l'a placée. Si elle modifie le contexte, c'est encore dans un cadre prévu par
l'homme.
Seul l'être humain (et peut-être d'autres êtres vivants) a cette faculté prodigieuse:
être capable d'échapper aux contraintes qui l'emprisonnent, matériellement ou mentalement
TOUT APPEL A L'OBEISSANCE EST DONC UN FREIN AU LIBRE FONCTIONNEMENT DE LA
PENSEE.
L'humanité a plus besoin d'appels à l'intelligence que d'appels à l'obéissance.
Dans le domaine matériel, les deux types d'appels sont indispensables à cause de dangers physiques et de l'Inexpérience des enfants. Mais dans le domaine intellectuel,
n'impliquant aucune action, quel danger (autre que l'irrationnel) peut exister?
Cette banalité évidente, souvent oubliée, ne
doit pas dissimuler d'autres formes de contraintes plus pernicieuses.
On pourrait distinguer:
-des pouvoirs extérieurs à l'individu, tels que: les hiérarchies sociales, politiques, culturelles etc., justifiées ou non par des motifs rationnels ou
non,
ou bien encore le pouvoir d'une masse; tout individu plongé dans une masse est plus ou moins prisonnier intellectuel des réactions affectives de la masse,
passions, modes, etc.
- des pouvoirs internes à l'individu et parmi ceux-ci, ceux de type affectif par exemple passions, vanité, croyances.etc.
Pourtant celui qui me parait le plus dangereux, c'est le pouvoir des habitudes qui deviennent des certitudes, des façons de penser, des idées fixes... le tout dépendant des moyens d'expression
que l'on croit figés pour une éternité dont le "sens" nous échappe...
c'est le pouvoir le plus dangereux parce qu'on ne peut en prendre conscience qu'en sortant du contexte ou plutôt en créant un métacontexte et en s'observant de
l'extérieur.
La lenteur avec laquelle évolue la pensée au cours des siècles est peut-être la meilleure preuve de la puissance des habitudes. A elle seule elle justifie la nécessité d'intégrer ce facteur dans
l'analyse du métier d'enseignant de mathématiques.
Paradoxes et Incohérences du métier d'enseignant de
mathématiques (l'ordre des présentations est non-significatif)
-*La phrase "Cette phrase est non-significative" est-elle significative? (elle ne l'est sans doute ni plus, ni moins que les questions suivantes).
— * La question "Quel est le sens du mot "sens*?* a—t—elle un sens?
- * Peut-on prendre l'habitude d'échapper aux habitudes?
*Peut—on apprendre à un autre, à apprendre seul sans l'aide d'un autre?
*Pourquoi et comment obliger quelqu'un à "suivre" des cours ?
(destinés peut-être, à lui apprendre à précéder" des cours,,
c'est-à-dire à s'informer, à penser tout seul)?
—Comment concilier l'apprentissage de connaissances dites "de base" et la
nécessité de favoriser l'autonomie de penser?
.- Si on estime que la majeure partie du temps doit être consacrée à l’apprentissage de ces « connaissances de base », pourquoi ne pas consacrer la majeure partie de nos réflexions à
repenser à de nouvelles « bases » adaptées aux connaissances contemporaines ? (On perpétue des « bases adaptées à des connaissances archaïques et on constate l’impossibilité
évidente d’empiler les savoirs chronologiquement successifs des époques
(chronologiquement et non rationnellement !)
— Si on estime que les enseignants ont le droit et le devoir de participer
à ces réflexions, alors il faut diffuser le plus largement possible
les idées et connaissances actuelles(d'aujourdhul et pas seulement celles du siècle dernier).
- Comment prétendre développer
la curiosité, l'esprit critique et le doute en
n'enseignant que des "certitudes"dans des contextes dépourvus de
toute ambiguïté et en ne remettant jamais en cause son propre savoir?
- Comment prétendre apprendre à chercher en faisant semblant de chercher ce que l'on sait déjà?
-Comment demander aux autres de faire preuve d'imagination, de créativité,
d'invention si on est dans l'incapacité provisoire de
donner l'exemple en fournissant des images autres que les images habituelles?
-Comment croire à une perfection ultime et définitive de la rigueur (par exemple, à l'aide de langages permettant les démonstrations
par une machine) alors qu'il suffit d'ouvrir le contexte pour tout remettre en cause? (plus exactement pour relativiser la rigueur à un contexte bien limité)?
(par exemple penser aux extensions successives de la notion de nombre pour arriver aux ordinaux transfinis puis à l'analyse non-standard).
Pourquoi dire de certains élèves qu'ils ne possèdent pas bien tel ou tel concept (par
exemple le concept de "nombre") alors qu'on ne sait pas bien définir le concept de
"concept"?
Enfin comment se prétendre les champions de la raison, de la
cohérence alors qu'aucune raison, autre
que les habitudes, ne justifie
les incohérences suivantes, concernant l'objet même de l'enseignement:
Exemples:
à suivre..
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